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Octobre 2010 :

La matin du 28ème jour de mon cycle je suis pleine d'espoir, dans ma culotte il n'y a rien et dans mon coeur, ca souffle fort dans les trompettes de Jéricho : PMA j'aurais ta peau avant même d'avoir eu recours à tes services, mouhahaha. La journée se passe aux toilettes ou presque, pour vérifier évidemment, et toujours rien.

Car oui quand on est en essais bébé, et pire encore en PMA, on noue des liens très étroits avec les toilettes. On y passe sa vie, pour vérifier, évaluer, pronostiquer, prier, pleurer et surtout pisser. Sur un test cela va sans dire, vous aviez cru qu'on en était encore au stade de la simple miction désintéressée, vous?

"Soirée privée, dégagez s'il vous plaît."

Le soir du 28ème jour de mon cycle je suis effondrée, dans ma culotte c'est comme une arène après un passage de gladiateurs, et dans mon coeur ça secoue plus fort que le Radeau de la Méduse : finis les rêves de layette qui ont égayés ma journée.

Cette histoire de tomber enceinte dans le mois qui suit une coelioscopie, c'est que de la flûte, ou alors comme d'hab c'est réservé aux autres.

Et bien sûr moi je ne suis pas les autres, moi je suis Mme Lambda, je fais la queue comme tout le monde et je regarde passer les VIP avec envie, tellement aigrie de ne pas faire partie du club que ça commence à me ronger jusqu'au trognon.

"Soirée privée, dégagez s'il vous plaît."

Comme tous les mois, nous retournons voir ma gynéco.

Elle est surprise, vraiment, ça alors je ne suis pas enceinte, comment ça se fait après la coelioscopie?

Elle nous propose de pratiquer une Insémination Artificielle avec Conjoint (I.A.C) dès le prochain cycle, et nous acceptons la gorge serrée.

Voilà on y est. La médecine va se mêler de la conception de notre futur enfant, cette fois de façon implacable.

Jusque là c'était encore un peu différent. Oui on a fait des tests, on nous a examiné sous toutes les coutures, opérés... Mais ce volet ça restait notre partie à nous, rien qu'à nous.

Maintenant même ça c'est fini, on devient des assistés de la conception, dépossédés de ce pouvoir que nous ne mesurerons jamais puisque pas capables de l'utiliser tout seuls comme des grands.

Mais allez gardons un peu d'humour : nous aussi on pourra dire qu'on l'a fait sans les mains, ha ha.

"Soirée privée, dégagez s'il vous plaît."

Une dizaine de jours plus tard, nous sommes encore en train de digérer la nouvelle, quand nous recevons un coup de fil de ma belle-sœur, ce qui est suffisamment rare pour me mettre la puce à l'oreille.

Elle nous propose de passer nous voir avec son mari, et à cet instant je sens, je sais qu'elle est enceinte.

Je le dis à M. Lambda qui repousse l'idée immédiatement pour finalement me regarder avec un affolement grandissant.

Comment allons nous faire? Comment réagir? Nous ne sommes pas suffisament proches d'elle pour nous réjouir d'emblée. Rongés par la honte, on est bien forcés d'admettre qu'une nouvelle pareille serait une hécatombe et tout en croisant les doigts on se conditionne à sourire sur commande, au cas où.

C'est atroce n'est ce pas? A ce moment là nous sommes tellement perdus dans notre parcours, tellement désespérés, nous avons tellement mal de cet enfant qui ne vient pas, que nous ne parvenons pas à nous réjouir de l'éventuelle venue d'un neveu ou d'une nièce. Tout ce qu'on voit c'est une grossesse supplémentaire, une de plus à supporter, on sait que celle là on va se la boire jusqu'à la lie et on n'en peut plus d'avance.

"Soirée privée, dégagez s'il vous plaît."

Ma belle-sœur et mon beau-frère viennent donc nous voir en fin de journée, et c'est sans surprise que nous apprenons officiellement que nous allons devenir oncle et tante d'ici quelques mois.

Nous sourions, célébrons et félicitons les heureux futurs parents, mais nous n'avons pas besoin de nous regarder pour savoir que le cœur n'y est pas.

La Détresse se tisse entre nous, nous liant l'un à l'autre. Elle s'engouffre dans nos gorges et nous tient fermement par les tripes.

Je souris mais j'ai envie de pleurer, pourquoi c'est pas nous, pourquoi c'est jamais nous? On est ensemble depuis plus longtemps qu'eux, on s'aime depuis plus longtemps qu'eux, on essaie depuis plus longtemps qu'eux, qui a dit qu'il y avait une justice en ce bas monde?

Une fois de plus, dans la queue, nous sommes M. et Mme Lambda qui regardons passer les VIP, alors que la porte du club tellement select dans lequel nous avons tellement envie d'entrer, reste obstinément close devant nous.

 

"Soirée privée, dégagez s'il vous plaît."

Published by Mme Lambda

commentaires

P
Je comprends votre ressentie....c'est difficile de faire semblant et de se réjouir pour les autres.<br /> Moi j'ai passé mon samedi soir à regarder le livre de naissance de la fille d'une amie (ça m'a gonflé car j'était obligée de faire &quot;Oh là elle est jolie&quot; &quot;Oh, celle là j'adore&quot; mais au fond de moi j'avais mal) et je me suis dit &quot;est-ce qu'un jour on aura nous aussi un livre de naissance?&quot;...putain de merde !<br /> Courage nous avons perdu la bataille mais pas la guerre !<br /> Des bises j'adore ton blog
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M
Pénélope, je comprends! C'est vrai que c'est très difficile, on en vient à se demander si on l'a ce fameux instinct maternel, parce que les bébés des autres on n'a pas forcément envie de s'extasier dessus. Plus encore quand c'est le sien qu'on voudrait admirer.<br /> Il faut beaucoup de courage pour affronter tout ça, les moments avec les amis jeunes parents, les femmes enceintes chez le médecin, la galère de la PMA.<br /> J'espère de tout coeur qu'un album de naissance bien rempli sera bientôt rangé dans ta bibliothèque, et là enfin tu tiendras ta revanche : ton amie sera obligée s'extasier à son tour!! :p<br /> Des bises aussi, merci pour mon blog ^^

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"La Procréation Médicalement Assistée sous son vrai jour. Ma vie avant, pendant et après." -Mme Lambda.

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