24 mai 2011, toujours :
Dans la voiture, juste tous les deux, nous commentons l'attitude du Dr Té.
On se demande quand même si tout ça est bien normal, est ce que ça se passe comme ça ailleurs? Est ce que personne ne se rend compte de rien? Ou bien le Dr Té a-t il senti que les bornes avaient été dépassées? S'est il racheté une conscience en nous mettant sur le prochain protocole FIV?
Nous tournons en rond dans nos interrogations, conscients que nous n'aurons jamais de réponses.
Alors on décide d'arrêter là les questions, et de pro-fi-ter.
Nous savons qu'il faut savourer cette chance inattendue, enfin nous avançons, nous passons à la FIV, nous passons au niveau supérieur en terme de chances de conception.
Et pourtant. Pourtant, la Culpabilité qui s'est assise entre nous dans la voiture, me regarde avec insistance. Elle, elle attend la réponse a sa question : devant qui passons nous? A qui vole-t on la place dans ce protocole?
La Culpabilité me fixe sans mot dire, sa main glacée s'est posée sur mon cœur et ses doigts se crispent tout autour de lui.
La Culpabilité m'écrase du poids de son regard et je comprends bien qu'elle ne me lâchera pas de sitôt.
Je décide de l'ignorer, de faire comme si je ne la voyais pas. Après tout, si j'évite de la regarder, elle s'en ira peut être?
Nous voici arrivés à notre pharmacie, celle où nous nous rendons toujours, celle où j'ai acheté mon attirail pour les IAC.
Arrivée au comptoir, je tends mon paquet d'ordonnances. La pharmacienne regarde tout bien attentivement, va chercher les médicaments au fur et à mesure et finit par me demander pourquoi le Dr Té me donne du Ménopur alors que j'ai déjà tout le matos pour utiliser Puregon.
Bon là je commence à en avoir un peu marre, le rendez-vous de ce matin était un peu lourd déjà, j'ai pas envie en plus de devoir expliquer tout ça.
Alors je réponds que je ne sais pas, que c'est comme ça et que j'ai pas choisi.
La pharmacienne me dit alors qu'elle va aller chercher le big boss, il s'y connait, la PMA c'est sa partie.
Elle revient en nous disant qu'il va arriver et nous demande de l'attendre.
Elle ne nous a pas mis le Ménopur dans le sac, nous attendons donc.
Une heure entière.
Il finit par arriver, s'excuse de nous avoir fait attendre et nous demande de lui expliquer notre situation.
Bordel, encore? Encore, encore, encore et encore? Mais ça ne s'arrêtera donc jamais?
Il peut pas obéir à l'ordonnance celui là, juste me filer mes médocs et salut?
J'ai très envie à cet instant de l'envoyer chier, je n'ai rien à lui raconter, j'en ai marre de la curiosité malsaine, du voyeurisme!
Mais il est gentil, il a demandé avec bienveillance, il ne m'a rien fait.
Alors je soupire et expose un rapide résumé des évènements : essais infructueux, examens, opérations, 3 IAC et là on tente la FIV.
Le pharmacien nous demande où nous faisons l'acte, et qui nous suit.
Quand il entend que nous sommes à l'hôpital Moisi, il commence à s'emballer un peu, à nous dire qu'on aurait mieux fait de choisir l'hôpital de Clamart, que là bas ils savent ce qu'ils font, qu'à l’hôpital Moisi c'est n'importe quoi, que le Dr Té touche très probablement une subvention du labo qui fabrique le Menopur, que la vraie raison de sa prescription c'est ça, alors que ça va être tellement contraignant pour moi, que je serais tellement mieux avec Puregon, qui donne tellement de meilleurs résultats en plus, non mais c'est honteux.
On n'en peut plus avec M. Lambda.
Pourquoi chacun y va de son commentaire alors qu'on n'a rien demandé?
Il est gentil le pharmacien, mais il ne sait pas comme j'ai galéré pour avoir un rendez-vous, il ne sait pas comme on m'a renvoyé quasi systématiquement sur mon hôpital de secteur, il ne sait pas que j'en ai par dessus la tête, que je veux mon traitement et basta!
Son laïus dure une bonne heure.
Il argumente, explique, réexplique, expose ses théories environ 15 fois d'affilée.
Quand enfin il accepte de nous donner les boites de Ménopur, et nous libère, ça fait deux heures qu'on est entrés dans cette pharmacie.
On en ressort déboussolés, angoissés, persuadés d'avoir fait une énorme connerie en allant a l'hôpital Moisi. Persuadés que comme l'a dit le pharmacien, Ménopur ne marchera pas, que Puregon c'est mieux.
M. Lambda et moi sommes épuisés, cette journée nous a mis sur les genoux, vidés.
On rentre, sans se parler, on en a trop plein les oreilles et on a besoin d'une pause.
En rentrant chez moi, la charge qui pèse sur mes épaules a encore augmenté, j'ai la pénible sensation de porter un sac à dos rempli de briques sans avoir nulle part où le poser.
Décidément y'a pas à dire, la PMA c'est lourd à porter. Plus encore quand il faut se montrer si endurants et si patients.
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