4 février 2012
Taux hormonal : au ras des pâquerettes
J'ai passé tout mon temps en néonat, ne retournant que peu dans ma chambre pour me reposer.
Apres une matinée passée auprès d'eux à les regarder et leur administrer les soins de toilette, j'ai besoin d'un peu de repos et je retourne dans ma chambre.
J'y trouve une infirmière qui me dit que la néonat a essayé de me joindre pendant le moment où je revenais, qu'on m'a cherché partout que je ferais mieux d'y retourner, vite.
Mon coeur bat à tout rompre. La Peur me fixe au fond des yeux et de son regard glaçant me dit "HA! ça y'est quelque chose est arrivé!".
Je me mets à trembler de tous mes membres.
Je fais immédiatement demi-tour et je me dépêche autant que possible, même si mes jambes ont tendance à se dérober. Mes bébés, mes bébés, qu'est ce qui se passe?
J'arrive au service de la néonat dans tous mes états, mais on me rassure vite : on m'a appelé parce qu'aujourd'hui Lorna est assez éveillée pour que, si je le souhaite, nous fassions le premier peau à peau. L'infirmière ne me l'a pas dit quand j'ai regagné ma chambre?
Je pousse un long soupir et un instant je sens toutes mes ressources m'abandonner. C'est le Soulagement qui m'empêche de tomber dans les pommes et me permet de rester sur mes deux pieds.
Non on ne m'a rien dit quand on m'a passé le message, mais en même temps pourquoi rompre le suspense hein?
Mais enfin tout va bien, ils vont bien et c'est une excellente nouvelle de pouvoir faire le premier peau à peau!
Je dis oui bien sûr, et on me propose de commencer tout de suite. Monsieur Lambda restera avec Daylan dès qu'il arrivera.
J'arrive dans le box où se trouve Lorna et m'installe dans fauteuil d'hôpital, le plus confortablement possible avec un coussin de grossesse pour poser mes bras.
Après avoir retiré mon t-shirt, une puéricultrice pose Lorna sur ma poitrine et nous recouvre d'une épaisse couverture, pour que la petite ne prenne pas froid.
Ma fille tout contre mon coeur, je me remets à pleurer.
Ma fille si petite est tout contre ma peau et je l'aime d'un amour si intense, je le sens si précisément se déployer à cet instant que je sais sans hésitation qu'elle le reçoit sans en perdre une miette.
Je sens son odeur, mon dieu qu'est ce qu'elle sent bon, je la vois bouger à mesure qu'elle respire, sa joue posée contre ma poitrine, je la regarde s'endormir prise d'une tendresse inconnue jusqu'alors.
Elle porte un tout petit bonnet pour garder un maximum de chaleur, et elle est reliée à une grosse machine par une sonde qui permet de la nourrir.
Beaucoup de machines très bruyantes nous entourent, et pourtant malgré cet environnement un peu angoissant, nous sommes seules au monde à ce moment là, elle et moi.
Je sais pour l'avoir lu, que le peau à peau constitue une étape essentielle, pour tous les nouveaux nés et plus encore pour les bébés prématurés : il est prouvé qu'ils font plus de progrès, digèrent mieux, prennent mieux du poids, s'ils bénéficient des peaux à peaux avec leurs parents.
Alors à voix basse, tout doucement pour ne pas la réveiller, je lui chante une chanson avec de jolis mots et qui parle d'amour, une chanson que j'aime beaucoup pour lui transmettre plus encore tout l'amour que j'ai pour elle.
Nous restons ainsi, toutes les deux dans notre cocon pendant deux heures entières durant lesquelles Lorna n'a pas régurgité le lait qu'elle reçoit par sonde.
Il fait 72° dans cette chambre surchauffée, sous cette grosse couverture, je n'en peux plus de chaleur et je me sens toute engourdie à force de ne pas bouger, mais je n'en ai rien à faire. Tout ce qui compte, c'est de donner toutes mes forces à ma fille, pour qu'elle se sente bien et aimée, et qu'elle ait envie de se battre pour grandir.
Je pense également énormément à Daylan, et même si la Culpabilité me souffle que je l'ai laissé de côté pour être avec Lorna et que c'est dégueulasse, je sais que son père est auprès de lui, et j'y trouve un peu de réconfort.
La Culpabilité se marre et je comprends qu'elle et moi aussi, c'est pour la vie. Que quel que soit mon choix, je penserais toujours à l'autre en m'occupant du premier, n'étant malheureusement pas douée d'ubiquité.
Pendant cette parenthèse avec Lorna, Monsieur Lambda a pu avoir Daylan dans ses bras, pour la première fois. Pas en peau à peau parce que cela n'a pas été proposé et que Monsieur Lambda n'a pas osé demandé. Mais ils ont pu se faire un gros câlin.
A partir de ces moments privilégiés, tout s'accélère pour Daylan et Lorna.
D'abord, Daylan peut enfin respirer sans aide, et il peut donc quitter le service de réanimation pour rejoindre Lorna dans son box, aux soins intensifs.
Tous ensemble dans la même chambre, quelle magnifique nouvelle! Je pourrais être avec mes deux enfants à la fois au lieu de naviguer d'une chambre à l'autre, voila qui va en boucher un coin à la Culpabilité, et ça c'est bien fait pour elle.
Ils prennent tous les deux du poids de façon tout à fait satisfaisante, et digèrent mieux leur lait.
Le lendemain, on me permet de faire mon premier peau à peau avec Daylan, pendant que Monsieur Lambda fera le sien avec Lorna.
Mon fils tout contre moi, ma fille dans les bras de son père, tout près de moi je me sens heureuse, comme dans une bulle.
Je renifle mon fils, et son odeur m'apporte un sentiment de plénitude, enfin je suis à ma place, et nous sommes tous ensemble à partager tout cet amour.
Je chante aussi à Daylan la chanson que j'ai chanté à Lorna, pendant qu'il s'endort contre mon coeur, j'y mets tout l'amour que je lui porte et parfois l'émotion donne un ton étrange à ma voix. Mais je m'en fiche de bien chanter ou pas. Tout ce que je veux, c'est que mon fils, mon trésor, ressente et absorbe cet amour immense pour en faire le moteur qui lui permettra de grandir.
Chaque jour je passe des heures en peau à peau avec eux, mes deux enfants contre moi quand je suis seule, ou en tête à tête avec l'un ou l'autre quand leur père est là.
Dans le contexte si particulier de la néonat, partagés entre l'inquiétude et l'émerveillement en permanence, ces moments que nous vivons avec nos enfants sont tout simplement magiques, uniques au monde.
Ces peaux à peaux ne sont pas bénéfiques que pour les bébés, moi aussi ils me requinquent, et l'Espoir commence à me souffler qu'on va y arriver et s'en sortir. Obligé.
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