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8 février 212, le soir

Taux hormonal : pffff.

 

Il est 23h, nous devons quitter la néonat et rentrer chez nous, Monsieur Lambda travaille demain et ses journées sont longues depuis quelques temps.

Si ça n'avait tenu qu'a moi, je crois que j'aurais dormi par terre entre les deux couveuses.

Mais il faut bien rentrer un jour n'est ce pas? Qui aurait pu croire que j'aurais tant de mal à quitter l'horrible hôpital Moisi?

Passant la dernière porte du service je me fait l'effet d'une criminelle qui marche dans le couloir de la mort.

 

"Et tu as bien raison, me souffle la Culpabilité tandis que le Remord se tord les mains en pleurant. Ca fait 5 jours que tu passes tout le temps possible auprès d'eux, tu crois vraiment qu'ils ne vont pas s'en apercevoir? Que ça ne les marquera pas A VIE??"

La mort dans l'âme, je les laisse me torturer sans réagir, je suis vidée de mes forces.

Séparation

Le trajet du retour se passe comme dans un brouillard, Monsieur Lambda essaye de faire la conversation, mais je ne suis pas là, je me repasse le film des derniers jours dans ma tête.

Les longues journées à attendre et redouter mon accouchement, la fausse alerte d'accouchement, l'accouchement, la salle de réveil, ma crise de paranoïa, la néonat, les bébés si petits, les peau à peau, le biberon...

Ca fait beaucoup à encaisser.

Assise à l'arrière de la voiture, toute ma bande de potes est là : l'Angoisse, la Peur et l'Inquiétude prennent presque toute la place, écrasant le Bonheur contre la portière. Dans le rétroviseur je vois son visage tout déformé plaqué contre la vitre, au point que je ne sois pas bien sûre que ce soit lui.

La Culpabilité, elle, s'étale carrément sur mes genoux, je sens son poids aussi lourd qu'une enclume contre ma poitrine.

Il faut croire qu'elle passe le meilleur moment de sa vie celle là, vu comme elle se marre.

Séparation

45 minutes plus tard enfin nous arrivons à la maison, et je me traine autant que mes valises.

Arrivée dans mon appartement le Silence et le Vide me frappent de plein fouet : plus de bips, plus de bruits de machine, plus de bébés qui pleurent.

Plus de bébés dans mon ventre et pas de bébés dans mes bras. Je passe devant leur chambre en évitant de la regarder, je sais que si je vois leurs petits lits vides et inutiles, le Vertige m'entraînera dans une chute sans fin.

 

Alors que j'essaie de ne pas pleurer, Bintang notre chat, nous accueille encore tout collé de sommeil, et c'est comme un petit rayon de soleil pour moi, il m'a tellement manqué!

Tandis qu'il se frotte en ronronnant à mes jambes, je lui explique que bientôt nous rentreront avec nos bébés, et le rire sordide qui éclate dans mon dos n'est autre que celui de l'Illusion en personne.

"MOUHAHAHAHA!".

Mais Bintang me regarde d'un air si confiant, si apaisé, que l'Espoir réapparaît timidement dans mon champ de vision : Lorna et Daylan progressent chaque jour, ils grandissent et prennent des forces, forcément un jour on repartira tous ensemble de ce maudit hôpital!

Cette ambivalence de sentiments finit par m'achever, je vais me coucher et même si je peine à m'endormir à cause des histoires dont me berce la Culpabilité, je finis par tomber dans un sommeil sans rêve et me réveille 5h plus tard, complètement lessivée.

Séparation

 9 février 2012, au matin

Etat nerveux : lamentable.

 

Je tourne en rond en attendant une heure décente pour téléphoner à la néonat et prendre des nouvelles de mes bébés.

Mes mains tremblent tellement qu'il faut m'y reprendre à plusieurs fois pour arriver à composer le numéro.

Mais enfin j'y arrive, et les nouvelles bien qu'encourageantes me terrassent : Lorna a pris 70 grammes depuis la veille, et Daylan 30 grammes.

Mais ces Bonnes Nouvelles s'assombrissent sitôt que j'apprends que Daylan a beaucoup pleuré ce matin.

Imméidatement mon ventre se tord. Mon bébé, mon fils, il avait besoin de moi et je n'étais pas là.

Qu'est ce que je fais ici au lieu d'être près de mes enfants? C'est là bas que je devrais être, c'est auprès d'eux que je devrais être à chaque instant de ma vie. Ils ont besoin de moi et je ne suis pas là.

 

Une fois que j'ai raccroché, je fonds en larmes. Le Désespoir m'étreint avec une telle violence que j'en ai le souffle coupé et plus j'ai la sensation de manquer d'air plus mon esprit s'emballe.

J'ai beau essayer de m'accrocher aux Bonnes Nouvelles, il m'en empêche, me tirant toujours plus bas. "Daylan a pleuré et tu n'étais pas là", le Désespoir me le crie avec toute la force qu'il sait déployer, rendant mes mains toujours plus moites pour mieux les rendre glissantes et laisser les Bonnes Nouvelles s'envoler.

Séparation

Il me faudra longtemps avant de me calmer et d'aller prendre une douche, la première dans ma salle de bain depuis des semaines.

Je retrouve des sensations familières :  mon gel douche préféré que j'avais laissé à la maison pour ne pas associer son odeur à l'hôpital, mes pieds nus sur le sol et non plus dans des tongs, l'intimité de ma salle de bain, ma serviette qui ne sent pas les odeurs de l'hôpital Moisi, le temps que je peux m'accorder sans me dépêcher pour monter en néonat.

Puisque je ne suis pas avec eux alors je n'ai rien d'autre à faire, rien ne mérite ce Temps que je ne passe pas avec mes bébés.

 

Cette douche a été salutaire, j'en sors comme lavée de l'hôpital, lavée de ma césarienne, lavée du personnel soignant du service des GHR qui m'a tellement tapé sur les nerfs.

Mon ventre et mes bras sont toujours aussi vides, mais l'avantage c'est que j'arrive à les glisser dans des vêtements d'avant, avant ma grossesse, et même s'ils me serrent un peu ils me réconfortent.

Porter des vêtements normaux me montre que j'avance, que nous avançons tous, pas après pas.

Je ne suis plus enceinte, mes bébés sont nés tant bien que mal, ils se battent et je dois redresser la tête pour me battre moi aussi.

 

Une fois de plus, ce n'est qu'une question de Temps, il a beau se prélasser autant qu'il le peut ce matin, enfin vient l'heure où Monsieur Lambda vient me chercher pour me ramener à la seule place où je dois être.

Auprès de mes enfants.

Et tant pis si aujourd'hui encore je n'ai pas eu la force de manger quoique ce soit. Je sais que tenir Daylan et Lorna dans mes bras me nourrira de tout ce dont j'ai besoin et ces dernières 45 minutes qui nous séparent, avec l'Impatience qui serre fort ma main, sont ma dernière ligne droite avant l'arrivée.

Pour aujourd'hui en tous cas.

Séparation

Published by Mme Lambda

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"La Procréation Médicalement Assistée sous son vrai jour. Ma vie avant, pendant et après." -Mme Lambda.

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